10 mai 2010

Clinic avec Scott Ferguson


Un showmanship offensif

Après un clinic très réussi en 2009, l'entraîneur Texan Scott Ferguson est revenu cette année pour donner un nouveau clinic dans le cadre du dernier Cabernet Cutting Show d'Avril. Obligé de juger cette année en remplacement de Mr Allan Springer coincé au Texas par le volcan islandais, Scott a pu tout au long du week-end de show évaluer et analyser la façon de shower de chaque cavalier. Le dimanche soir, il a donc proposé à tous les cavaliers présents un debriefing vidéo où il a pu aborder tous les aspects du showmanship. Showman de grand talent, Scott a traîné ses guêtres sur tous les plus gros shows depuis des dizaines d'années. Ses conseils, son oeil et ses critiques ont donc fait mouche sur chaque run qu'il a pu disséquer en vidéo seconde par seconde. De la stratégie, aux tris en passant par la construction des runs, le rôles de chacun des aides ou la gestion du temps, Scott a expliqué comment un cavalier peut gagner ou perdre du crédit. En décomposant toutes les dimensions du run content, il a voulu faire passer un message très important à ses yeux : pour gagner il faut se montrer offensif.


Le Cutting ce n'est pas bloquer la vache et attendre que les 2 minutes 30 se passent. Il faut montrer au juge qu'on est là pour gagner, qu'on va contrôler cette vache et contraindre le juge à nous placer devant. Avec un système qui incite les juges à étaler leurs scores, il faut savoir quel objectif viser en entrant dans l'arène et analyser son run sans cesse pour savoir où on en est. Le juge récompensera ensuite le cavalier qui saura montrer qu'il veut gagner et qui présentera son cheval aux mieux de ses qualités. Pour cela, il faut avant tout rester toujours offensif. Jamais brutal mais plutôt agressif dans le sens positif du terme pour éviter de subir les événements. Que ce soit dans les tris, la gestion du chrono, le choix des vaches, il faut montrer au juge qu'on est là pour aller chercher les points. Peu importe la qualité du cheval, le tirage au sort où les performances réalisées par les autres, garder un esprit offensif c'est l'assurance de semer le doute dans l'esprit du juge et de lui donner envie de récompenser nos efforts. Après son run, Scott insiste aussi sur la nécessité de toujours l'analyser, le débriefer et de garder un esprit positif. Plutôt que de blâmer les vaches, le sol, son cheval, le juge ou les autres, toujours se demander ce qu'on peut améliorer. C'est en partant du positif en en passant sur le négatif qu'on progresse.

Responsabiliser son cheval au maximum

Durant le clinic, Scott a repris en détail les 4 étapes qui composent la base de son programme : stop, draw, turn et travel. Il a de nouveau bien expliqué comment cet enchaînement, qui constitue la base du cutting, doit se faire dans l'ordre et en décomposant bien chaque étape. Ne jamais en mélanger deux comme le stop et le turn par exemple et ne pas laisser le cheval poursuivre l'enchaînement s'il tente de voler ou de tricher sur une étape. Il est aussi important de ne pas exagérer chaque étape. La clef en fait c'est de savoir enchaîner ces étapes le plus correctement et le plus facilement possible. Plus c'est fluide et plus ce sera facile pour le cheval. Comme toujours en équitation, l'économie des aides du cavalier est à rechercher. Moins on doit intervenir et plus le cheval assimile rapidement. Il est donc important, en fonction de son niveau d'équitation, de travailler sur la précision et la finesse de ses aides. Scott le rappelle toujours, les chevaux apprennent par la pression et le relâchement. Il faut donc utiliser ce principe et étant le plus constant et le plus cohérent possible pour imprimer ces bases chez le cheval. Chaque cheval a une histoire, des qualités, des défauts qui font qu'il faudra s'adapter à lui. Le programme de Scott n'est pas une loi universelle, une méthode unique. Il donne des bases qu'il faut être capable d'inculquer au cheval en respectant ses points forts et surtout le programme dans lequel il a été travaillé jusque là.


Cette année, Scott a mis l'accent sur la responsabilisation du cheval. Qu'on monte un poulain ou un cheval plus solide, il est capital de responsabiliser son cheval. Beaucoup de cavaliers veulent en faire trop, prennent le pas sur le cheval et l'empêchent de faire son travail correctement. Le stop par exemple relève exclusivement du cheval. Chaque fois qu'un cavalier stoppe son cheval, il le déconnecte de la vache et l'incite à se reposer sur lui. Les chevaux anticipent ensuite ces interventions et développe des défenses pour s'en protéger. De même, le demi tour doit venir du cheval. Plus on y précipite le cheval et plus on va le pousser à commettre des erreurs. Avec le temps le cheval va prendre l'habitude de fuir ses responsabilités et va attendre l'intervention du cavalier ou anticiper et se protéger des mauvaises corrections. Le rôle du cavalier en fait doit se concentrer avant tout sur le draw. Il doit placer son cheval, le mettre en bonne position par rapport à la vache et le préparer à tourner. Cela implique de maintenir le cheval en bonne position par rapport à la vache, c'est à dire avec la tête de la vache au niveau du genou du cavalier. Cela implique aussi de préparer le corps du cheval à tourner : il doit être rassemblé, en appui sur ses postérieurs, la hanche extérieure sous lui, l'épaule intérieure levée, la cage thoracique rentrée et le nez prêt à lancer le mouvement. Une fois qu'on a obtenu cette position et ce placement, il faut laisser le cheval lire la vache et c'est là que souvent le cavalier se trompe. En intervenant trop tôt, trop vite ou trop fort, le cavalier empêche bien souvent son cheval de lire la vache. Après le stop, le cavalier doit juste veiller à installer son draw mais c'est après au cheval de lire la vache et de venir naturellement dans son demi tour. Si on ne respecte pas cela, on perd toute synchronisation avec le veau et on passe immanquablement à côté de l'objectif numéro 1 du Cutting : contrôler la vache.

Ne pas confondre entraînement et show

Beaucoup de cavaliers travaillent au practice ou à l'entraînement comme s'ils étaient au show. Pour Scott c'est une aberration. A la maison ou dans les practices, il ne travaille quasiment jamais en configuration de show avec un troupeau, une ligne unique, des turn-backs... Surtout sur des vaches usées qui ne feront que mettre le cheval en difficulté. L'objectif principal selon Scott quand on entraîne un cheval c'est bien sûr d'installer les bases, de développer les points forts et de corriger les points faibles. Mais c'est surtout et avant tout d'instaurer de la confiance. La confiance du cheval, celle du cavalier mais aussi celle du cavalier dans le cheval et du cheval dans le cavalier. On ne peut y arriver qu'en sortant d'une logique de show. Il faut sortir des spots idéaux, des schémas simples pour confronter le cheval à ses difficultés, lui apprendre à maximiser ses qualités. Il faut le laisser commettre des erreurs, se mettre à la faute pour lui apprendre à se corriger. Il faut donc travailler de façon très différente du show pour parfois le mettre en position délicate ou au contraire parfois lui venir suffisamment en aide pour ne pas lui faire perdre sa confiance en lui.


Plus on va travailler comme cela et plus on va acquérir de confiance dans le cheval. il sera alors facile de monter de façon offensive en show car on sait que le cheval sait se sortir de façon correcte des situations difficiles. Le cheval de son côté accepte l'aide du cavalier, sans pour autant l'attendre ou se reposer sur elle. Il sait que le cavalier intervient pour l'aider et réagit correctement dès que cette aide intervient. L'état d'esprit du cavalier est donc déterminant. Il ne sert à rien de se montrer brutal mais il faut savoir être intransigeant pour ne jamais laisser le cheval voler ou tricher sur certains déplacements. Toujours exiger une attitude correcte est un travail très difficile qui demande beaucoup de sens équestre et beaucoup d'intelligence. Cela exige en plus un timing terrible dans une discipline aussi fine, précise et rapide que le Cutting. Ici, le pro cutter est un outil extraordinaire qui permet de prendre son temps et ne pas subir. Mais la logique est la même sur les vaches. Il faut sortir d'un schéma de show et travailler le cheval. Une fois en concours on pourra alors montrer le cheval.

Le rôle des herd holders et des turn-backs

Après un week-end de show, c'est là que Scott a perçu la plus grande marge de progression chez nous. Selon lui, beaucoup de cavaliers ne savent pas vraiment aider. Ils hésitent, perturbent le déroulé des runs, mettent les chevaux en difficulté tout simplement car ils ne savent pas quoi faire et ne comprennent pas bien leurs rôles. Combien de runs voit-on où le cheval commet une erreur car ses aides l'ont laissé se mettre dans une situation difficile ? Exemple type : les turn-backs se tiennent trop loin du veau et le laisse s'arrêter plusieurs secondes face au cheval. Ils doivent alors parcourir plusieurs mètres pour le faire redémarrer. C'est une situation explosive pour le cheval car il lui est quasi impossible de lire où le veau va partir. Comme les turn-backs sont trop loin, ils vont arriver trop vite, effrayer le veau qui se précipitera d'un côté ou de l'autre. Pour le cheval c'est une situation à très hauts risques qui conduira certainement à une pénalité à 1, 3 ou même 5 points. Combien de turn-backs voit-on scotcher en permanence contre le mur ? Ils stoppent la vache en lieu et place du cheval. Celui-ci ne peut plus lire le veau, ne parvient pas à rester synchronisé avec lui et finit par rater un stop pour se prendre un out of position ou un miss.


Si on veut faire simple on résume ainsi : les herd-holders gardent le troupeau, les turn-backs renvoient la vache. Dans le Cutting moderne, ces rôles ont évolué et les aides ont aujourd'hui une importance capitale. Le principal job des turn-backs est de garder le contact entre le veau et le cheval. Plus ce contact est maintenu de façon constante et moins le cheval est exposé. Chaque fois que ce contact est rompu, par exemple quand le turn-back laisse le veau s'arrêter plusieurs secondes contre la barrière, le cheval se retrouve en grande difficulté car il ne lui est plus possible de lire correctement ce veau. Le rôle des turn-backs n'est absolument pas de stopper la vache de chaque côté, ni de la renvoyer le plus vite possible. Plus le veau regarde le cheval, plus il tourne vers lui et plus c'est facile pour le cheval de lire ses déplacements. Si le challenge devient trop intense, les turn-backs pourront toujours reculer mais en se tenant trop loin ou en restant scotchés aux barrières, ils ne font que mettre le cheval en difficulté. Il ne faut parfois pas chercher plus loin les raisons des erreurs des chevaux. Si les turn-backs gardent un bon contact entre le cheval et le veau alors le cavalier peut facilement mettre en place son pattern et il prend bien moins de risques. Les herd-holders interviennent eux surtout dans le tri. Leur job c'est d'aider le cutter à créer un mouvement. Ils l'aident à faire démarrer les vaches mais ensuite ils doivent libérer le chemin.

Trier c'est créer une shape

Le tri est notre deuxième très gros point faible. Trop de cavaliers se contentent de faire sortir quelques vaches et ensuite laissent le chaos s'installer avant de compter sur la chance pour isoler la bonne vache. Il n'y a aucun contrôle, aucune stratégie et aucun esprit offensif. Tout est subi et c'est pour cela que parfois cela se termine mal ou de façon brouillonne. Le problème c'est que le cutter ne crée pas le mouvement et ne le maîtrise pas ensuite avec ses aides. Il se contente de subir et trie en défendant. Il faut au contraire trier en attaquant. Il faut faire démarrer des vaches avec l'aide de ses herd-holders, laisser ce flot démarrer et ensuite le contrôler afin de rencontrer la vache sélectionnée au bon endroit pour l'isoler. C'est une toute autre démarche qui impose de mettre en place une stratégie avec ses aides pour amorcer un mouvement, l'entretenir et le maîtriser. Dans bien des tris, il n'y a aucun roll et les vaches reviennent vers le cutter de façon chaotique. Là encore, le rôle des aides est capital. C'est à eux de gérer le flot et de le garder le plus propre et le plus constant possible. S'ils y parviennent alors tout est facile pour le cutter. S'ils se ratent alors les ennuis commencent et les pénalités tombent invariablement.


Attention quand même, c'est le cutter qui est la manoeuvre. C'est à lui de garder sa vache sous pression, de la conduire au centre de l'arène loin d'y troupeau pour l'y isoler. Les aides ne sont là que pour lui faciliter le travail. Ils ne doivent pas se focaliser sur le cutter mais au contraire regarder avec plus de recul pour anticiper les éléments perturbateurs et les étouffer dans l'oeuf. On ne laisse pas les vaches revenir, on ne laisse pas des vaches passer dans son dos, on ne laisse pas les vaches s'arrêter ou refluer, on ne se laisse pas déborder par la vache de tête... Cela demande bien sûr une bonne communication entre tous les membres de l'équipe. Les aides doivent savoir quelle vache le cutter essaye d'isoler . Le tri c'est vraiment un partition dont le cutter doit être le chef d'orchestre. Il ne doit jamais subir le tempo mais au contraire le dicter. Ca ne veut pas dire qu'il faut se jeter à l'abordage sans réfléchir. Comme en en musique, les pauses ont leur importance. Il n'y a aucune pénalité pour le cavalier qui s'arrête, regarde, prend son temps. Il faut veiller à faire démarrer un flot qui contient les vaches désirées. Prendre le temps d'analyser où il se dirige. Avec ses aides, on garde ensuite la vache désirée sous pression sans se déclarer. On tente de la placer là où elle sera facile à isoler. Et quand elle arrive au bon endroit et qu'une opportunité se présente, on passe en mode offensif et on se déclare en faisant quelques pas vers elle pour l'isoler proprement bien au centre, loin du troupeau et du trafic. Voilà la recette pour prendre des points sur les tris. Scott en a fait des démonstrations très éloquentes lors du clinic. Après on pose sa main et boom ca démarre en trombe. Le juge est déjà dans votre poche. Il ne vous reste qu'à l'y garder bien au chaud jusqu'à la fin des 2 minutes 30.