17 août 2009

Varier les juges


Regards neufs

Cette année 4 shows approuvés par la NCHA USA ont été organisés en France : chez Charmot QH, chez Alain Boissier, chez Livio de Michiel et ce week-end chez Thierry Mougeot. Ces 4 shows ont fait appel à un seul et même juge. Si on regarde les 10 derniers shows organisés en France ces dernières années, on s'aperçoit qu'ils ont été jugés par 3 ou 4 juges. Le propos ici n'est pas de remettre en cause le niveau ou la compétence de ces juges, ils sont bien sûr tous titulaires de la NCHA Judge Card et il n'y a donc rien à dire de ce côté là, mais plutôt de s'interroger sur les effets d'une telle situation aussi bien pour les concurrents que pour les juges. Il ne paraît pas forcément très judicieux d'utiliser tout le temps les mêmes juges. Bien évidement, certaines contraintes, notamment budgétaires, imposent parfois de limiter ses choix mais aussi bien pour les concurrents que pour les juges, il n'est pas souhaitable qu'un même juge officie sur plusieurs concours de suite avec les mêmes participants.En tant que concurrent, il est très intéressant de bénéficier de regards et de jugements différents. Chaque juge possède sa propre sensibilité et sa propre vision du Cutting. Chacun recherche des choses différentes chez un bon cheval ou dans un bon run. Tout le monde respecte le cahier des charges et le règlement imposés par le Rule Book de la NCHA, mais il reste une place pour la sensibilité ou le regard du juge dont on se prive en faisant toujours appel aux mêmes juges.

C'est en croisant ces différents regards que les concurrents peuvent progresser. Tel juge vous sensibilisera sur les pénalités pour reining, tel autre vous poussera à améliorer votre herd work ou encore un autre vous amènera à faire attention aux hot quits. Si le juge est tout le temps le même, vous ne vous confrontez qu'à un seul regard et forcément les enseignements sont moins intéressants. Du point de vue du juge, ce n'est pas une bonne solution non plus. Voir tout le temps les mêmes chevaux et les mêmes cavaliers empêche de progresser et d'affiner son regard. On finit par connaître trop bien les concurrents et forcément cela perturbe le jugement. Aux USA, le problème est le même car tous les juges voient passer les mêmes chevaux. Quand un DUAL REY ME ou un RED WHITE AND BOON entrent dans l'arène, personne ne les découvre pour la première fois. Mais le nombre de shows et de participants permet de limiter quand même le phénomène. En jugeant 10 fois de suite les mêmes concurrents, on stagne forcément en tant que juge car on est confronté aux mêmes façons de shower, aux mêmes erreurs et aux mêmes styles.

Quid des juges européens ?

C'est finalement un peu tout le système des juges européens qui pose question. Au départ, l'idée était séduisante : former des juges en Europe pour éviter aux Shows Managers de faire venir à grands frais des juges américains. Pour cela, il a quand même fallu mettre en place certains aménagements. On a par exemple créer des juges "Europe Only", avec des séminaires et des examens organisés en Europe. On a aussi abaissé la limite des gains, normalement fixée à $ 50 000 pour pouvoir présenter l'examen. Déjà là, on peut se demander si c'est une bonne idée dans la mesure où une limite de gains assure que les futurs juges aient déjà un peu showé. Dans une discipline aussi complexe que le Cutting, c'est primordial car on ne peut comprendre toutes les subtilités de ce sport si on est jamais monté sur un cheval de Cutting. Mais si on tente de dresser un bilan de ce système, on s'aperçoit vite, que hormis Hans Kuhn Jr, aucun juge européen ne totalise plus de 10 shows jugés. La majorité n'a même jamais jugé aucun concours. Forcément, cela limite le choix des organisateurs de concours.

Le problème en fait c'est qu'il n'y a aucun "échange de juges". Les juges allemands ne vont pas juger en Italie et les italiens ne vont pas juger en Allemagne. Mis à part Marco Viacava, Hans Kuhn, Sylvia Katschker ou à la limite Christian Meyer qui ont déjà jugé en Allemagne et en France, tous les autres juges ont passé l'examen mais ne jugent pas ou trop peu. Dans ce contexte, quel est l'horizon d'un juge européen qui passerait son examen lors prochain séminaire organisé en Italie ? Les italiens ne font appel qu'à des juges américains, différents à chaque fois, les allemands ne font pas forcément appel à des juges formés chez eux et de notre côté nous aimerions avoir un peu plus de choix. La plupart des gros shows comme Americana ne font pas pour le moment appel à des juges européens. Il n'est pas facile aujourd'hui pour un juge d'acquérir de l'expérience en Europe ce qui entraîne des situations bâtardes comme celle qui veut que nous fassions appel toujours aux mêmes juges. C'est parfois plus une obligation qu'un choix, même pour l'organisateur dont le budget, le temps ou les propositions ne lui permettent pas forcément de faire autrement.

Quelles solutions ?

Faut il donc faire systématiquement appel à des juges américains ? Ce n'est pas nécessairement la solution. L'idée serait plutôt de varier les juges et d'essayer, chaque fois que c'est possible, de faire appel à des juges différents. Utilisons les juges européens qui acceptent de se déplacer et essayons parfois de faire venir des juges américains quand nous le pouvons. Quand les billets d'avion sont peu chers, ce n'est pas forcément irréalisable. Il faut bien sûr disposer de certains contacts aux USA pour trouver des juges qui acceptent de faire le voyage. Mais il serait très intéressant de bénéficier de regards différents. Faire appel à des juges américains expérimentés de temps en temps ne peut que faire progresser tout le monde. Même pour nos futurs juges européens et, espérons le français, c'est l'occasion d'apprendre aux côtés de juges qui sont sur des concours chaque week-end.

Une bonne solution peut être d'essayer de trouver des juges qui soient aussi entraîneurs. C'est l'occasion d'organiser un clinic après le show et de rentabiliser un peu plus le voyage. Evidement, l'oiseau rare est difficile à dénicher car il faut à la fois un bon juge et quelqu'un qui puisse donner un bon clinic. Il est tout de même certain que nous avons tout à gagner à varier les juges pour donner à chacun l'opportunité de progresser. C'est le gage de compétitions saines. Même si cela représente parfois de gros efforts, c'est une bonne piste pour renforcer la qualité de nos shows.